Eh oui, notre cerveau du haut, comme l’appelle un des experts mondiaux du cerveau de l’enfant, Dr. Daniel Siegel, se construit massivement pendant les premières années de vie, subit un remodelage au cours de l’adolescence et n’est pleinement mature qu’à l’âge de 25 ans.
Alors que le cerveau du bas, dit primitif, est responsable de fonctions basiques (comme respirer ou cligner des yeux), de réactions innées et impulsives (comme se défendre et s’enfuir) et d’émotions fortes (la peur et la colère), le cerveau du haut est le siège de processus mentaux complexes comme penser, imaginer, planifier. Ce cerveau du haut est responsable de qualités que nous espérons voir chez nos enfants:
- prise de décisions judicieuses et planification
- contrôle de ses émotions et de son corps
- connaissance de soi
- empathie
- moralité
Pas étonnant que nos enfants, dont le cerveau est encore en chantier, n’arrivent pas toujours à se contrôler, à avoir de l’empathie et ne prennent pas les mêmes décisions que l’ont auraient prises comme adulte!
Et à cela s’ajoute une autre difficulté pour nos enfants. Non seulement le cerveau du haut est en chantier, mais même sa partie fonctionnelle est inaccessible en périodes de stress ou de débordement émotionnel.
Comme adulte, notre cerveau du haut est capable de réguler nos émotions fortes et nous permet de réfléchir avant d’agir. On ne va pas sortir de notre voiture et se précipiter pour frapper le conducteur de la voiture qui vient de nous faire une queue de poisson. On va réfléchir avant aux conséquences d’un tel acte. Mais pour réfléchir avant d’agir, quand on est au prise avec des émotions très fortes, comme la peur, qui viennent de l’amygdale, ça demande à notre cerveau du haut de réguler celui du bas. Un enfant, lui, n’a pas toujours accès à son cerveau du haut. Parfois quand les émotions sont trop fortes, l’accès à leur cerveau du haut est bloqué. Comme l’illustre Daniel Siegel, quand l’amygdale s’enflamme, c’est comme une barrière au pied de l’escalier qui empêche l’accès au cerveau du haut.
Donc quand il n’y a plus de cônes à la vanille dans le congélateur, votre petit de 3 ans explose de rage, son amygdale et son tronc cérébral s’enflamme, l’escalier est fermé et il lui est impossible d’accéder à son cerveau supérieur pour se calmer. C’est la crise. La crise d’en bas. Même si vous lui répétez qu’il reste des cônes au chocolat et que c’est ceux qu’il préférait la dernière fois, votre petit en crise n’entendra pas la voix de la raison, son cerveau étant plutôt en mode à vous jeter un objet au visage ou à hurler.
Pour ouvrir à nouveau la barrière, les parents doivent se connecter d’abord à l’enfant pour l’aider à se calmer. Un geste ou un mot empathique va beaucoup aider. Accueillez son sentiment. Quand ça devient possible, vous pouvez le prendre dans vos bras, attirer son attention vers un objet intéressant ou tenter de le faire rire avec des grimaces pour changer la dynamique dans le cerveau. Quand il sera calme et qu’il aura de nouveau accès à son cerveau d’en haut, vous pourrez alors lui parler avec logique et raison.
Dr Daniel J. Siegel et Tina Payne Bryson dans leur livre Le cerveau de votre enfant nous donne des pistes pour tenter d‘éviter d’entrer dans une crise d’en bas. L’enfant peut entrer en crise quand son interaction avec l’adulte l’enrage. Si au lieu d’insulter, de gronder, de menacer, nous sollicitons le cerveau du haut de notre enfant, nous pouvons éviter des crises. Comment? En lui permettant d’exprimer ses émotions, en lui permettant de faire des choix, en lui permettant de trouver lui même une solution au problème, en montrant de l’empathie envers les autres (« Cette dame n’a pas été très aimable avec nous n’est-ce pas? Penses-tu qu’il lui est arrivé quelque chose de pénible aujourd’hui? »). Ces outils nous les exerçons dans les ateliers Faber et Mazlish.
Daniel J. Siegel et Tina Payne Bryson nous rappelle aussi que bouger le corps affecte directement la chimie du cerveau. Quand on perd l’accès à notre cerveau du haut, bouger physiquement est un bon moyen d’aider à y rétablir l’accès et de lui envoyer un message de « sérénité ». Quand votre enfant semble coincé dans son opposition (« Je ne veux pas me laver les dents ») ou ses sentiments négatifs, tentez le jeu pour le faire le bouger: « Et si tu allais à la salle de bain à cloche pied? » Vous verrez peut-être qu’il se brossera les dents avec plus d’entrain.
Est-ce que toutes les crises sont des crises d’en bas? Non, quand votre enfant fait une crise, mais qu’il est capable d’arrêter instantanément si vous accédez à ses exigences ou que vous lui faites remarquer qu’il est sur le point de perdre un privilège, c’est que son cerveau du haut est capable de réguler ses émotions. Daniel Siegel appelle ça, une crise du haut ou un caprice, c’est une colère intentionnelle. Alors que pendant une crise du bas, dû à une vague de colère ou de peur typiquement, votre enfant est physiologiquement incapable – momentanément – de contrôler son corps et ses émotions, sans parler de réfléchir aux conséquences de ses actes, résoudre un problème ou prendre en compte les émotions d’autrui.
Comme l’évoque Dr Daniel J. Siegel et Tina Payne Bryson, « alors qu’un enfant dont la colère est intentionnelle demande au parent de poser une limite claire, il faut se montrer patient et compréhensif quand il s’agit d’une crise d’en bas. »
Plus on grandit, moins il y a de crises du bas….mais même comme adulte ça nous arrive…
Pour en savoir plus: Le cerveau de votre enfant de Dr Daniel J. Siegel et Tina Payne Bryson (Préface d’Isabelle Filliozat) Eds. les arènes